Le Centre Hospitalier de Montfavet... une Histoire de fou ?

Un peu d’histoire psychiatrique

Johan Christian REIL recommande les premières thérapies pour la dépression

Il faut remonter au XVIIIème siècle pour parler de la Médecine des aliénés. Auparavant, les « fous » sont au mieux pris en charge par la communauté (bouffon) puis persécutés par l’Inquisition, puis mis en réclusion (domicile, tours des fous ou communautés religieuses). La Renaissance crée les premiers établissements pour insensés. Au XVIIème siècle, la “folie” accède au rang de maladie ; les malades mentaux sont recueillis dans les hôpitaux généraux. Il faut attendre, 1785 pour avoir une circulaire instaurant la prise en charge des insensé dans des « asiles qui leur sont destinés ». La psychiatrie, nom inventé par Johan Christian REIL en 1808, nait dans les années 1789-1838 et accède au rang de discipline médicale à part entière. La période de la psychiatrie classique s’étend du XIX ° siècle à l’après deuxième guerre mondiale. La psychiatrie moderne démarre à partir des années 1950.

La Maison des Insensés

On retrouve des traces du recueil des « aliénés » à la léproserie Saint Lazare ou à l’hôpital Sainte Marthe à Avignon. C’est aux Pénitents Noirs de la Miséricorde (1595) que va revenir la charge du soin des Insensés.

Asile d'aliénés de Montdevergues

1681 : La « Maison des insensés » est créée à Avignon. Elle est dirigée par les Pénitents de la Miséricorde et établie en contrebas du Rocher des Doms. On y trouve des cellules et une salle à baigner.

1779 : Une nouvelle aile est construite pour séparer les hommes des femmes. Il y a là, à la fin du XVIIIe siècle, environ soixante-dix malades. 1816 : Elle prend le nom de « Maison royale de santé de la ville d’Avignon ». Plus tard, elle deviendra la Maison d’arrêt. 1838 : Une loi impose à chaque département de créer un établissement public destiné aux malades mentaux. Le transfert de la Maison de santé d’Avignon à Montfavet est décidé. Un an plus tard, la Maison de Santé acquiert la principale partie du domaine agricole de Montdevergues afin d’y installer des convalescents.

Asile de Montdevergues les Roses

1844 : Les premiers malades prennent place dans une ferme aménagée. De 1856 à 1862, les nouveaux bâtiments de l’asile sont construits suivant les instructions de l’architecte M. Philippon. Le plan d’ensemble est semi-circulaire avec des pavillons rayonnants. En tête se trouvent les services administratifs, et de part et d’autre, les pavillons, d’un côté pour les hommes et de l’autre pour les femmes. Les constructions nécessaires aux pavillons du directeur, du médecin, du concierge, de la buanderie, de la chapelle complètent cet ensemble. Deux bâtiments distincts sont réservés, l’un aux malades propres et relativement raisonnables, l’autre aux gâteux et malades à « caractère difficile ».

Asile d'aliénés de Montdevergues (Entrée principale)

Dès sa construction, l’asile de Montdevergues est une référence, « un des plus beaux établissements d’Europe » selon Ferrus (inspecteur général des asiles d’aliénés). L’asile ouvre ses portes en 1854. Il est prévu pour « 400 malades convalescents en traitement, épileptiques, agités, pensionnaires, idiots, inadaptés, imbéciles et malpropres ». En fait, l’asile dispose de 600 places souvent réparties dans des dortoirs de 10 à 12 lits. On propose toutes sortes de traitements à base de substances fortifiantes, stimulantes, sudorifiques, purgatives, sédatives ainsi que l’hydrothérapie et la contention par camisole de force.

1867 : L’asile acquiert les domaines de Bel Air puis de Sainte Catherine (1875) pour le travail des champs. Le domaine agricole atteint désormais 22 hectares Mais l’asile se remplit très vite : 750 malades en 1869, 1564 en 1901. Il arrive vite à saturation et les agrandissements se succèdent à la fin du XIXe siècle : agrandissement des pensionnats, construction du bâtiment de l’infirmerie, prolongement des pavillons rayonnants… 1924 : Une nouvelle extension est nécessaire. C’est l’achat de la partie Est du domaine de Montdevergues, domaine de 23 hectares sur lequel se trouvent les ruines du château du XIIe siècle du même nom, au sommet de la colline.

Centre Hospitalier Spécialisé de Montfavet

Le terme d’asile disparait en 1937 pour être remplacé par celui d’« hôpital psychiatrique ». Le terme d’« aliéné » reste en vigueur jusqu’en 1958. L’hôpital accueille 2000 malades en 1937.

Vue aérienne du centre

1943 : Le département, pour aider l’hôpital à faire face à ses problèmes d’approvisionnement, met à sa disposition la ferme de Saint Gabriel avec son domaine cultivable de 5,6 hectares. Ces terrains sont ensuite utilisés dans le cadre du travail thérapeutique en milieu rural. Y sont installées aujourd’hui plusieurs structures de soins. La structure des bâtiments va rester la même jusqu’à nos jours, même si les bâtiments sont souvent réaménagés, modernisés, réadaptés à la psychiatrie moderne avec des méthodes de soins qui ont énormément évolué.

www.ch-montfavet.fr

Le saviez-vous ?

La plus illustre des malades est Camille Claudel, inspiratrice d’Antoine Rodin (sculpteur) et sculptrice atypique. Elle séjourne à l’hôpital de Montdevergues, en proie à un délire de persécution, de 1915 à 1943. Elle y meurt à 78 ans par suite de malnutrition. Deux mois avant la mort de Camille, le directeur de l'hôpital psychiatrique avait affirmé son frère, Paul Claudel (académicien, écrivain, poète) : « Mes fous meurent littéralement de faim : 800 sur 2 000. »

Stèle commémorative au cimetière de Montfavet

En août 1942 il lui écrivait que l'état général de Camille « a marqué un fléchissement net depuis les restrictions qui touchent durement les psychopathes. Votre sœur […] en juillet, a dû être alitée pour œdème malléolaire en rapport avec une carence et le déséquilibre alimentaire ». Elle est inhumée, quelques jours après sa mort, au cimetière de Montfavet, accompagnée seulement du personnel de l'hôpital, ni sa famille ni son frère Paul ne s'y rendent. Ses restes seront transférés dans une fosse commune, son corps n'ayant pas été réclamé par ses proches qui s'étaient progressivement détachés d'elle.