Le phallus, le lièvre et les eaux sacrées du Pont du Gard

Article Castillon-du-Gard

Mystères autour du Pont du Gard... la construction d'un pont a souvent été associée à des légendes comme le pacte d'un homme avec le Diable pour qu'il construise ce qu'il ne pouvait réaliser seul. Si le Diable acceptait de relever le défi, il exigeait sou

La légende du lièvre et du diable

Une des légendes raconte l'histoire d'une belle jeune fille de Nîmes aimée d'un beau et riche jeune homme. La belle soumet plusieurs épreuves à son amoureux avant de consentir à l'épouser. La dernière consiste à conduire, à Nîmes, les eaux de la source d'Eure : "Fais ce prodige, lui dit-elle, et je jure de te donner ma main". Le jeune homme se met à l'œuvre pour réaliser le pont gigantesque qui doit porter le canal d'une colline à l'autre par-dessus le Gardon. Vingt fois englouti dans les remous de la rivière, le découragement se met au cœur des ouvriers. Un passant leur crie " Si vous voulez, je vais vous construire votre pont en une nuit ; mais à une condition, c'est que le premier individu qui y passe m'appartienne ". Les ouvriers reconnaissent le Diable mais le marché est conclu. Personne ne veut passer le premier. L'amoureux, pour tromper le diable, prend un lièvre qui, traversant le pont, tombe entre les griffes du Diable. Le Diable qui ne trouva qu'un lièvre comme salaire le lança de dépit,violemment, contre l'édifice, ce qui laissa une empreinte. Quant à la belle Nîmoise, elle s'enferma dans un couvent.

D'autres légendes existent dont celle de Frédéric Mistral dans le lièvre du pont du Gard (Armana Prouvençau. 1876). 
La tradition populaire a donné naissance à un dicton : " Qui n'a pas vu le lièvre, n'a point vu le pont du Gard "

Les ponts, construits par des maçons venus d'ailleurs, aux rites initiatiques étranges, stupéfient les villageois qui voient là une intervention du "malin", un pacte avec le diable.

De nombreuses traces et gravures parsèment la surface du pont. Cette prétendue image du lièvre n'est autre qu'un phallus. Ce dessin représente, vu de loin, l'aspect grossier d'un lièvre : le cou et la tête, la queue de l'animal et les oreilles. En fait, un phallus a une sonnette au cou, censé chasser les esprits malveillants; il est terminé par trois queues retroussées qui forment trois autres phallus plus petits. Le dessin est sculpté en bas-relief, côté aval, en partant de la rive droite, sur le haut du 3ème pilier du second pont. Il existe 2 autres phallus : un sous la voûte et un au niveau d'une culée (extrémité d'un pont) du 1er pont.

Le glorieux organe viril ne renvoie à aucune connotation indécente ou sexuelle. Il évoque en réalité Priape et répond à une fonction prophylactique (prévenir les maux ou se garantir contre eux) ou apotropaïque (détourner vers un autre objet les influences maléfiques). Il est censé protéger l'ouvrage des crues et des maléfices. C'est aussi un porte-bonheur placé dans les maisons, sur les chemins, dans les champs, les jardins, sur les monuments publics et sur les lieux où le danger est potentiel. Il est aussi symbole de la fécondité, de la population et de l'éclat de la colonie de Nîmes.

Priape est donc le protecteur du pont du Gard qui amène, à Nîmes, les eaux sacrées de la fontaine de l'Eure.

Sources sacrées

Les sources de l'Eure

Au 1er siècle, Nîmes se développe et manque d'eau. Les habitants cherchent une nouvelle source ; ce sera celle de la fontaine de l'Eure, cristalline et abondante (40 000 m³/ jour). Cette fontaine à la dizaine de sources est située près d'Uzès, à l'entrée de la vallée de l'Eure. Elle est proche (20 km à vol d'oiseau) et plus élevée que le Castellum divisorium de Nîmes qu'elle alimente (rue de Lampèze) ; ce château d'eau distribue l'eau dans les divers quartiers de la ville par un réseau de canalisation en plomb.

A cette époque, presque toutes les sources sont sacrées. Elles sont considérées comme un don de Dieu ; elles sont indispensables à la vie. L'eau sort des entrailles de la terre où, dans les anciennes religions, vivaient les dieux. La source est le lien entre la vie souterraine et le monde extérieur ou entre l'empire des morts et le monde des vivants. Passer de l'eau sur soi, se laver, c'est se régénérer, se purifier. On attribue aux sources des effets thérapeutiques, des vertus magiques et beaucoup sont dites miraculeuses. Elles sont le point de départ de nombreuses légendes.

La source de l'Eure fait l'objet d'un culte particulier à l'époque celtique. Les Gaulois la vénèrent ; la déesse Ura règne sur les eaux de la fontaine; les druides immolent des victimes humaines. Les Romains poursuivent la vénération des eaux; un autel votif, dédié aux Lares augustes (divinités protectrices), est érigé par les prêtres le jour de l'arrivée des eaux à Nîmes ; on peut lire sur l'édifice " AVGVST LARIBVS CVLTORES VRAE FRONTI " " Aux Lares augustes, les prêtres de la fontaine d'Ura ". Plus tard un édicule aux nymphes sera bâti.

Les Romains n'hésitent pas à aménager un aqueduc des sources et du bassin de régulation de la fontaine de l'Eure jusqu'à Nîmes, long de 50 km avec un dénivelé de 12 m. Le canal d'adduction mesure 1,30 m de largeur sur 1,80 m de hauteur ; il est 90% enterré, passe sur 17 ponts et s'enfonce dans 3 tunnels. Il enjambe le Gardon par le pont du Gard ; l'ouvrage fait 360 m de long (initialement 490 m) et 48 m de haut par ses 3 ponts. L'eau met une journée pour arriver à Nîmes.

L'eau a plusieurs fonctions :

  • Utilitaire : besoins quotidiens des usagers de la ville et de la campagne en eau potable et en quantité suffisante en toute saison, besoins de l'industrie et d'une partie de l'agriculture, nettoyage de la cité, protection contre le feu.
  • Médicale : hygiène (thermes), eau de jouvence selon Pompeïus Pandus.
  • Décorative : fontaines, jets d'eau, cascades, lacs.
  • Religieuse : vénération des divinités, protection et purification des maisons.

L'ouvrage cesse de fonctionner définitivement au VIème siècle.
Grâce à des forages, la fontaine de l'Eure sert à présent à l'adduction en eau potable de la ville d'Uzès.

Le Pont du Gard par Jean Poldo d'Albenas, 1560

Sources

http://www.nemausensis.com/Gard/LievrePhallus.htm
http://www.nemausensis.com/Gard/AqueducRomain.htm
http://histoireetcivilisationdeluzege.blogs.midilibre.com/archive/2011/04/24/le-lievre-du-pont-du-gard-la-lebre-dou-pont-dou-gard.html
http://www.mairie-collias.fr/403-le-pont-du-gard.htm
http://www.musees-mediterranee.org/pdf_expositions/expo-temp-85-presentation_pdf.pdf
http://desorchideesetdesorties.20minutes-blogs.fr/archive/2010/11/26/l-aqueduc-romain-de-nimes-defi-et-prouesse-technique.html
http://gallica.bnf.fr

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Cointin Armand
12-03-2017 20:17

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