Petites histoires du pont du Saint-Esprit

Article Pont-Saint-Esprit

Pont-Saint-Esprit est situé à la frontière de 3 départements : le Gard, l’Ardèche et le Vaucluse ; il est au carrefour de 3 régions : Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ville portuaire et de commerce, entre voie d'eau et rout

Pourquoi Pont-Saint-Esprit ?

Le pont est un des plus anciens de France encore utilisé. Avant sa construction, au temps où la ville s’appelle Saint-Saturnin-du-Port, la traversée du Rhône se fait par bac qui transporte voyageurs, commerçants, pèlerins en route pour St jacques de Compostelle.

  • Pour le nom : raisons religieuses

Pour certains, en raison d’une inspiration venue du Saint Esprit, après avoir refusé la construction du pont, Jean de de Thianges, prieur de Saint-Saturnin-du-Port et seigneur de la ville, accepte le projet; pour d’autres c’est la proximité d'un oratoire dédié à la troisième personne de la Ste-Trinité sur la rive droite du Rhône qui attire de nombreux pèlerins et de riches offrandes. Il est évoqué aussi la branche des moines-soldats ou frères pontifes, constructeurs de ponts, consacrée au Saint Esprit. Enfin, on raconte la légende du Saint Esprit déguisé en un ouvrier infatigable, habile et disponible et celle d’un pâtre qui donne le courage d’entreprendre cette œuvre d’art sur la partie du fleuve la plus féconde en naufrage (histoire identique à celle du pont Saint Bénezet). A l’avantage de l’église, l'ouvrage d'art est dédié au Saint-Esprit.

  • Pour le pont : raisons pratiques et économiques

La navigation est périlleuse à ce niveau en raison de l’extrême rapidité du fleuve. Les naufrages sont fréquents ; ils imposent aux habitants de créer un pont. On décide de le faire semblable à celui d’Avignon ou de Bonpas, point de passage obligé sur le Rhône entre la Provence et le Languedoc, entre le territoire papal et celui du roi de France C’est le seul pont de pierre entre Lyon et la Méditerranée, après la destruction du pont Saint Bénezet au XIIIème siècle. Il doit être plus beau et plus hardi que ce dernier. Il va donner son nom à la ville. Pont-St-Esprit devient alors une étape avec hôtelleries, hospices et asiles pour les voyageurs, ainsi qu’un important centre du commerce rhodanien. La commune est en plein essor économique.

Pont-Saint-Esprit. Gravures de Peeters et Tassin. 1634.

La construction du pont

Le lit torrentiel du Rhône, à Pont-Saint-Esprit

Elle est décidée par Alphonse de Poitiers, comte de Poitiers et de Toulouse, frère du roi saint Louis. Le pont est situé en aval de la confluence du Rhône avec l’Ardèche, en un endroit où les rochers qui barrent son cours obligent à décharger les navires. Il est bâti grâce à des dons et grâce aux quêtes de l’Œuvre locale du Saint-Esprit, regroupant les marchands de la bourgade. Il est construit par des ouvriers laïcs.

L’architecte tient compte de la force du courant du Rhône, des excès du climat méditerranéen responsable du cours tumultueux de l’Ardèche et des erreurs commises lors de la construction du pont Saint Bénezet.

Don Jean de Thianges pose la première pierre du pont sur la rive gauche du fleuve le 12 septembre 1265. Le pont est achevé en 1309. Ce sont les frères pontifes qui s'occupent de la construction.

Le pont médiéval

Structures du pont

La majeure partie de sa structure est sur la commune de Lamotte-du-Rhône. Le pont n’est pas droit mais courbe ; le sommet est tourné vers l’amont, vers le courant du Rhône pour augmenter la résistance aux flots. Il enjambe l'une des parties les plus resserrées, les plus rapides et les dangereuses du fleuve. Il est constitué de 20 grandes arches et de 3 à 6 petites (selon les auteurs) qui forment les rampes aux extrémités.

Des piles peu épaisses, suivant l’exemple des ponts antiques de la région, et creusées d’oculi (ouvertures) favorisent le passage des eaux en crue. Les piles côté Est sont construites sur la terre ferme, celles du côté Ouest sur le rocher où la ville est tête de pont. Les autres sont bâties sur pilotis. Elles sont protégées par des becs triangulaires qui brisent la force des eaux. Un enrochement par des pierres jetées au pied des piles permet une meilleure résistance au courant mais rétrécit le débouché du fleuve et accélère le débit du courant, rendant plus difficile la navigation. Chacune pile porte un nom.

Les arches sont faites de quatre arceaux (bandeaux) juxtaposés de voussoirs (pierres taillées en biseau). La largeur du tablier pavé est de 5 m et la longueur de 860 à 919 m. Sous la pression des hautes eaux, les arcs ont tendance à s’écarter (ce qui est arrivé au pont  Saint Bénezet) ; c’est pourquoi des liaisons unissent les quatre bandeaux pour les maintenir unis. Une arcade de dégagement, identique à celle du Pont Julien (Apt), est ouverte, côté ville, pour mieux faire évacuer les hautes eaux au moment des crues. On peut y voit des signes lapidaires (marques laissées par les ouvriers comme signature).

Plan du pont. XVIIème siècle.

Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, pour éviter des tassements inégaux qui risquent de briser les voussoirs, on décharge les chariots et on transfère les marchandises sur des barges traversant les remous du  fleuve ; les chariots peuvent aussi rouler sur le tablier recouvert  de paille afin d’éviter d’ébranler le pont. On raconte, que même le roi Louis XI, se présentant avec ses troupes, dut mettre pied à terre, avant d'emprunter le pont.

Aménagements du pont

Entrée du pont avant la construction de la citadelle

Dès 1302, le roi Philippe le Bel s’intéresse à sa construction pour renforcer sa position sur la rive droite, française depuis le traité de 1226. Il fait fortifier le pont.

Une structure défensive est ajoutée à partir de 1358. Côté Pont-Saint-Esprit, la tour du Roy est érigée au niveau de la 2ème pile; à côté, une autre tour sert de logement aux gardes du pont. Sur le coude du pont, se trouvent 2 tours remplacées, à la demande du pape, par la chapelle St-Nicolas et, en dessous, une prison qui devient ultérieurement une poudrière. A l'est, une porte en forme de tour, flanquée de 2 petites tours (tour "devers l'Empire") est protégée par un pont-levis. Plus tard, sur la rive droite du fleuve, on construit la citadelle (1595-1627), entourée de remparts. Enfin, côté Lamotte, le pont est protégé par le fort de Montrevel  (1704).

Une croix est située sur la 3ème arche. Le pont est fermé à ses deux extrémités par des portes jusqu’au XVIIème siècle, date où il est une première  fois élargi.

Le pont d’après Basire. 1775

Au cours du XVIIIème siècle, les tours des extrémités et la chapelle sont détruites ; cette dernière est remplacée par la porte du Dauphiné. Un siècle plus tard, le fort de Montrevel est démoli. Ouvert à la libre circulation, le pont est réaménagé ; il est élargi de 2 m pour permettre le croisement des chariots ; on double les piles et les becs sont refaits. Une arche marinière, en fonte, remplace les 2 premières arches pour faciliter la navigation (1856) ; elle est détruite en août 1944, la traversée du Rhône se fait par un pont suspendu ou  grâce à un bac relié à un filin; elle est reconstruite en béton en 1954.

Anecdotes autour du pont...

Il est nécessaire d’avoir un entretien constant de l’ouvrage (enrochement autour des piles quand les eaux dégravent leur pied) et du cours du fleuve (curage du Rhône, réparations des digues, facilitation du passage des barques).

Philippe le Bel ordonne en 1310 que les aumônes et les dons des fidèles doivent servir à l'entretien du pont. Il ajoute le privilège de récupérer les taxes sur le sel, appelées droit du « petit-blanc », pour chaque bateau qui passe le pont en remontant  le Rhône. Un droit de passage sur le pont est perçu.

Pont-Saint-Esprit, d’après un dessin de Génillion. XVIIIéme siècle

L'Œuvre du Saint-Esprit est chargée de la gestion et de l'entretien, du salaire des ouvriers, de l'achat et du transport des matériaux. L’entretien, d’abord confié au clergé, est assumé par les provinces du Languedoc, de  Provence et du Dauphiné (arrêté royal du 31 octobre 1664) puis par le département (1790).

Lorsqu’une grande crue doit arriver on en voit les prémices : on dit que la rivière « mouve le fond » ; l’eau du fond coule plus vite que d’habitude. Les habitants sont vigilants.

On raconte qu’il y a cinq siècles un bateau transportant des objets précieux de la reine Catherine de Médicis percutait la 9e pile du pont. L'embarcation a disparu sous les eaux du Rhône ; le trésor n’a jamais été retrouvé.

Un tel ouvrage ne peut pas laisser indifférent les écrivains :

  • Stendhal : « le passage en bateau est comparable à la peur face à la mort ».
  • Frédéric Mistral : « le pont est la porte sainte de la Provence, la porte triomphale de la terre d’amour ».
  • Charles de Brosses: « Ce n’est pas sans raison que ce pont est cité ; il est de toute beauté pour la hauteur, la longueur, l’évasement des arches et la tournure légère des piles ».

En 1966, le pont est classé Monument historique. Aujourd’hui, on ne voit plus que 19 grandes arches. Un pont moderne est érigé en 1996 ; il permet d’apercevoir le pont médiéval, situé en amont.

Inondations de 1910


Sources

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pont-Saint-Esprit
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pont_du_Saint-Esprit
http://www.nemausus.com/pont-saint-esprit-son-pont-sur-le-rhone
http://www.gard-provencal.com/sites/pontpont.htm
http://jeancharles.griebel.free.fr/tourisme/tourisme/Pont-st-Esprit.htm
https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_raisonné_de_l’architecture_française_du_XIe_au_XVIe_siècle/Pont
http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/action-culturelle/celebrations-nationales/2009/sciences-et-techniques/ouverture-du-pont-saint-esprit
http://desorchideesetdesorties.20minutes

Lachezleswatts.com

Nouveau sur Lachezleswatts ?

Rejoignez la communauté

InscritInscritInscritInscritInscritInscritInscritInscritInscritInscritInscritInscritInscritInscritInscritInscrit