Du sang sur le tableau à Saint-Saturnin-les-Apt

Article Saint-Saturnin-lès-Apt

Il est, au pays d'Apt, un village qui aurait pu avoir le destin de Lourdes. Les faits surnaturels qui s’y sont déroulés, après la ferveur nationale, ont fait l’objet d’enquêtes et d’un procès.

La neuropsychiatre est en pleine évolution au XIXème siècle ; elle croit résoudre tous les mystères notamment : stigmatisation, extase divine, miracle, possession démoniaque ; en vain. Son impuissance est liée à l’ignorance de la théologie mystique. Par cette histoire, chacun se fera son opinion.

Les lieux

Saint-Saturnin-lès-Apt est un charmant village bâti au point de contact entre la plaine de la vallée du Calavon et les premiers contreforts des Monts de Vaucluse, dans le parc naturel régional du Luberon.

Village ancien dont l’origine remonte au Xe siècle. Il subsiste d’importants vestiges du Castrum (château), perché sur un éperon rocheux dont la chapelle et le donjon du XIème siècle ont été récemment restaurés. Des restes des remparts (XIIe et XIVème  siècle) sont visibles au centre du village. Hors village, on peut découvrir le moulin à vent, les bories, les aiguiers (citernes creusées dans la roche), les ceriseraies, les champs de lavande.

La suspecte

Rose (dite Rosette) Tamisier est née en 1816 à Saignon de parents cultivateurs. Elle apprend à lire et à écrire ; elle devient  institutrice dans son village natal. Dévote, elle fait une expérience de la vie religieuse, d'abord à Saignon, dans l'hôpital, puis à Salon. Selon certains témoignages, sa vie est émaillée, dès l’enfance, de petits prodiges. Des faits moins dérisoires se produisent : des anges lui apportent des hosties, avec lesquelles elle communie ; son corps se couvre de stigmates (mains, pieds, poitrine) ; d’étranges et merveilleuses visions surviennent la nuit.

Les faits

Image : Croquis du tableau de la chapelle

Rose a l’habitude de venir prier dans la chapelle du Calvaire, au pied d’un autel surmonté d’un tableau représentant la « descente de la croix ». Le tableau "saigne" à 6 reprises, entre le 10 novembre 1850 et le 5 février 1851, alors que Rose est soit seule, soit accompagnée d’une amie dans la chapelle. De très nombreuses personnes affluent au village, ce miracle a un retentissement dans toute la France. Le 20 décembre 1850, avant la messe dite par Mgr Debelay, archevêque d' Avignon, en présence du sous-préfet d’Apt et de centaines de témoins, l’événement attendu se produit. L’archevêque, tient des propos prudents. Le sous-préfet et les témoins croient au miracle. Le prélat fait desceller le tableau; il est intact, tant à l’endroit qu’à l’envers. Il s'entretient ensuite avec Rose, puis, de retour à Avignon, nomme une commission ; ses membres arrivent à Apt le 20 janvier 1851. Les conclusions sont sans équivoque : il n’y a pas eu miracle. Aucun rapport n’est rédigé.

Le procès

Le procès débute en septembre de la même année. Rose déclare avoir 33 ans (âge du Christ) ; elle prétend ne pas expliquer les phénomènes sans miracle. Le tribunal de Carpentras entend 39 témoins. Troublés et éperdus, les juges estiment être incompétents ; pour eux les faits relèvent de la compétence de la cour d'assises. Le parquet fait appel.

Le verdict

Image 1 : la chapelle castrale à Saint Saturnin les Apt

La cour d'appel de Nîmes siège les 6 et 7 novembre 1851. Rose, malgré ses dénégations (elle ne changera  jamais de version, même excommuniée) est déclarée coupable pour escroquerie et outrage à la morale publique et religieuse. Les motifs de la condamnation sont : vol de la grande hostie du tabernacle de l’église de Saignon et apposition de sang sur un tableau pour faire croire au miracle. Il lui est reproché d’avoir essayé de se procurer les honneurs d’une sainte. Elle est condamnée à 6 mois de prison (maximum de la peine encourue), et 16 francs d'amende. Rose, n'ayant pu payer les frais de justice  n’est libérée qu’en décembre 1852, au bénéfice d'un décret de grâce de Napoléon III. L’Eglise se contenta de ce verdict, le Vatican classa l’affaire dans les faux miracles.

Image 2 : Lettre de D.Lazare Lucas (religieux) à l'attention du curé de Saint-Saturnin les Apt (26 dec.1850)

On n’entendra plus parler d’elle; elle meurt en février 1899 à Saignon, après avoir reçu les derniers sacrements.

La déclaration qu’elle a signée pendant le procès est la suivante : « 14 Janvier. Je me soumets simplement et sans restriction à tout ce que la commission, nommée par Mgr l'archevêque, a décidé en janvier 1851 au sujet des événements de St Saturnin Les Apt, auxquels j'ai pris part. Signé. Rosette Tamisier ». Ce n’est pas un aveu. Beaucoup d’éléments sont contradictoires. Voici diverses hypothèses émises à l'époque : 

  • Supercherie : M Colignon, chimiste à Apt, évoque du sang régurgité par une sangsue ; les scientifiques parlent de maladie mentale due à une surexcitation de la contemplation religieuse ; le procureur invoque l’appât du gain, sous l’influence du curé et de son beau-frère, aubergiste.
  • Machination : de la secte Vintras, en vogue à cette époque, comme le pense l’archevêque.
  • Miracle : 7 ans avant les apparitions de Lourdes.

Le tableau a aujourd'hui disparu...



Sources

http://www.luberon-apt.fr/index.php/fr/decouvrir/destinations/saint-saturnin-les-apt/item/saint-saturnin-les-apt
http://hauntedohiobooks.com/news/the-leech-imposture/
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55184270/f350.image.r=rose tamisier
http://jlcharvet.over-blog.com/article-miracles-supercheries-l-affaire-rose-tamisier-saignon-saint-saturnin-les-apt-1850-1851-par-j-119742208.html
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1081093/f44.image.r=rosette tamisier
https://books.google.fr/books?id=VC4PaSYQ7vUC&printsec=frontcover&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
La stigmatisation

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